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PHASMES(de Laocoonte)

                       concerto pour violoncelle (amplifié) 

                                                          et grand orchestre

PHASMES  (de Laocoonte)

 

 

 

 

“N’apparaît que ce qui fut capable de se dissimuler d’abord.
Les choses déjà saisies en aspect, les choses paisiblement ressemblantes jamais n’apparraissent.
Apparentes, certes, elle le sont – mais apparentes seulement : elle ne nous auront jamais été données comme apparaissantes.
Que faut-il donc à l’apparition, à l’événement de l’apparaissant? Que faut-il juste avant que l’apparaissant ne se referme en
son aspect présume stable ou espéré définitif ? Il faut une ouverture, unique et momentanée,
cette ouverture qui signera l’apparition comme telle. ”

 

Georges Didi-Huberman, Le paradoxe du phasme, in Phasmes, Les Editions de Minuit. 1998.Paris.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

            Dans “Phasmes (de Laocoonte)” je me suis inspiré de la dynamique que dégage le groupe statuaire du Laocoon, et le mimétisme du phasme.

Depuis des années je travaille essentiellement en appui sur des textes d’histoire de l’art qui projettent la dimension de l’image dans les processus de perception. C’est à l’intérieur de cet espace de la représentation que je reconnais mes idées musicales. En fait, cette oeuvre clot un cycle commencé en 1994, s’inspirant avant tout de la pensée de Georges Didi-Huberman. Le groupe statuaire du Laokoon condensant la chute de Troie est considéré comme le parangon du Sublime. Dans ce que recèle le Laokoon, c’est surtout la confrontation de la beauté et du terrible que je tente de questionner à travers différents paramètres comme celui de la densité harmonique du début ou bien de la lutte du soliste dans ce marbre sonore que figure l’orchestre à l'intérieur de mon concerto.

 

Si le groupe statuaire du Laocoon compte parmi les oeuvres d’art les plus connues depuis la fin de la Renaissance, le phasme, par opposition,  excelle dans la dimension de la dissimulation. A ce titre, l’étymologie grecque de phasma, signifie tour à tour : forme, apparition, vision, fantôme et présage. Ainsi, les textes classiques de Goethe, Heinse, Lessing, Warburg ou Winkelmann mais aussi une double experience de la vision (voir le Laocoon à Rome et scruter l’apparition et disparition des phasmes) m’ont guidés afin d’éprouver dialectiquement cette autre forme de frayeur et capture du voir qui se manifeste dans leur réciproque statisme.

 

J’ai élaboré tout le matériaux harmonique et formel à partir de trois nombres principaux (2.5.3) qui corres-pondent à la volumétrie de chacun des sujets représenté dans le groupe statuaire. Aussi, la forme se divise en trois mouvements qui s’enchainent tels les deux serpents qui enserrent les trois sujets. Le mouvement central se subdivise en 7 sections selon une série de proportions qui correspondent à la numérisation des 5 lettres : l.a.o.k.o.o.n. Mais ce nombre sept se trouve dans de nombreuses proportions de durées, comme si les p.h.a.s.m.e.s. envahissaient cet espace temporel.

 

L’orchestration dans sa spatialisation est traitée d’une manière polyphonique: les contrabasses se trouvent stéréophoniquement de chaque côté de l’orchestre...Cela à la fois pour faire echo aux deux fils placés de chaque coté du Laokoon et pour mieux insister sur la figure du double. Cette figure géméllaire que représente également les deux serpents, se retrouve à de nombreux endroits, comme aux deux vibraphones qui représentent dans leur sinueuses proliferations le mouvement reptilien. Un trio, situé au centre, constitué d’un cymbalum, celesta/piano et harpe, représente dans certaines sections, un commentaire condensé de l’épopée rapportée par Virgiles. A la fin du second mouvement, c’est le violoncelle solo qui se retrouve dédoublé par les deux pupitres de violoncelles pour former les troix voix de trois corps exposés à leur morphologie. Le double se retrouve dans le dernier mouvement chanté par un duo (un canon proportionnel) aux piccolos comme s’il s’agissait du son sur-aiguë produit par le sifflement des serpents après qu’ils aient accompli leur tâche.

A l'évidence le rôle narratif du violoncelle solo représente le lyrisme tragique de l’homme doué, à l’instar de Cassandre, de la vision du presage. De grands intervalles expressifs incarnent ce lyrisme tragique bien que la figure du phasme ressurgit constamment noyant la voix soliste dans les anneaux d’une verticalité polyphonisée.

 

Le concerto qui s’ouvre dans une forme de drame harmonique et qui a pour note du violoncelle le sib de la Sonate de Bernd Alois Zimmermann, se termine dans une forme d’ascension aveugle du soliste (eine Verstigenheit) à l’intérieur d’un mélos très serré (en huitièmes de tons) autour de la note la(okoon). Une des hypothèses veut que le prêtre fut aveuglé suite aux morsures venimeuses du couple de serpents.
Une double tenue circule sur ré (note symbolisant la mort chez Zimmermann) et celle d'un la, établissant une quinte alors circulant dans un orchestre réduit pendant que les cordes aiguës s’éblouissent en harmoniques fragiles dans un choral suspendu traduisant comme une vision se voilant. Cette commande de la SWR est dédiée à Georges Didi-Huberman pour son cinquantième anniversaire.

 

Franck C. Yeznikian

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