Disjecta Membra
(E.I.A.E.S.)
Personne au monde qui sait lire la musique, ne pourra passer à côté de l’intensité de celle de Klaus K. Hübler dans ce qu’elle déploie aussi bien sur le plan visuel que dans sa physicalité même. Considérer sa musique comme appartenant à une des œuvres les plus complexes relève d’une évidence objective lorsque l’on connait la dimension visuelle et spéculative dans le degré d’élaboration qu’elle endosse et implique pour l’interprète. Mais sous ses apparences purement visuelles, au sens de la tablature que parfois elle mobilise à nouveau dans l’histoire de la musique, sa musique convoque sur le papier, c’est-à-dire à la lecture tout particulièrement, de belles et mystérieuses énigmes qu’il serait terrible de ne pas considérer puisqu’elles appartiennent à l’aura de sa musique. C’est vers celle-ci que je me tourne et que je m’adresse à l’endroit où je me situe personnellement pour faire signe à travers cet hommage à cet ami qui a glissé dans la mort en 2018.
Lorsque j’ai rencontré Klaus, son état physique et psychique étaient encore très sévère : il cherchait la plupart de ses mots en traçant avec un de ses doigts sur la table la premiere lettre pour l’aider à prononcer le mot ou le nom qu’une partie de son cerveau ne pouvait encore lui redonner. D’années en années j’ai pu assister, à chaque fois que je me rendais chez lui en été, aux progrès incroyables qu’il bravait jusqu’à même l’avoir vu traverser d’autres tragédies dans sa vie. Sa musique, je l’ai toujours approchée comme une prolongation de sa personne. Je l’y cherchais comme je continue à le faire et aujourd’hui avec encore plus de nécessité et d’intensité. Il y a dans sa musique une dimension spéculaire mais à une échelle qui n’a rien à voir avec un quelconque narcissisme. Une chose est certaine, c’est que sa musique est réfléchissante et porteuse, au sens où elle porte et transcende le fardeau qui fut le sien. Le plus frappant revient au fait que ces premières œuvres, comme c’est le cas chez la plupart des grands artistes, prononcent comme en palimpseste quelque chose de prédictif. En parallèle à cela et à l’intérieur même d’une poétique si personnelle, accompagnée d’une grande place donnée à la poésie, s’impose dans sa musique une forte dimension dramaturgique. D’où une formalisation très particulière des entrées instrumentales et du rôle à chacune des voix dans un discours où une narration à la fois sonore et très souvent visuelle par-delà ses césures formelles inhérentes et immanquables à son style, laissent toujours entendre un dire tel un récitatif d’où aussi je pense la signature symptôme de ses ostinati.
Pour saisir ce que sa musique peut avoir à nous dire et nous rapporter du passé, il faut beaucoup de temps. Sa complexité en strates de lecture s’inscrit bien au-delà de l’apparence qui peu s’y consommer. Sa musique se situe aux antipodes d’une amnésie. À travers toutes les traces que l’on peut y trouver, s’y trouve pour moi une dimension prépondérante du baroque qui s’impose au sens d’un Nachleben. D’où le retours ici au Tombeau dont l’éclosion, pour ainsi dire, revient à cette période de l’histoire de la musique.
Disjecta Membra pour violoncelle, flûte basse et piano se présente quelque part comme un écho à son travail mais ici dans l’intervalle de mon langage et des recherches. Souvent nous restions lui et moi, quand nous n’étions que les deux, dans un presque silence. Il y avait certes la barrière de la langue de chaque côté d’où nous tentions de (nous) parler. Parfois ma difficulté à lui exprimer quelque chose, par delà ma propre langue ressemblait aux résistances qu’il rencontrait lui-même dans la sienne. Cela étant beaucoup d’énigmes entre les mots pouvaient comme s’échanger ou circuler malgré tout, dans une forme de mutuelle compréhension d’un exprimable difficile. La musique a cette faculté qui appartient à sa magie qu’elle peut transformer ce type de bégaiement en nous en délivrant.
Sa musique, dans sa puissance et son étrangeté, est une des preuves de cette dimension dont elle est constellée. Il s’agit de savoir lire aussi entre les lignes et en musique en particulier , il y a toujours quelque chose qui y résonne. C’est pourquoi il y a beaucoup de choses enfouies dans cette pièce. Je pense profondément qu’il faut re-préserver cette dimension de l’énigme et du secret qui quelque part serait sacrée. Elle risque vraiment de complètement disparaître face à ce que la musique dite d’avant-garde d’aujourd’hui liquide devant un recours au spectacle qui s’impose comme représentant une marionette continuant à gesticuler mais sans conséquence de ce qu’une âme se doit d’insuffler à une œuvre à l’aide d’un pneuma.
La poétique de cette pièce en 5 sections composées de 15 sous-sections, étudie dans ses trames plusieurs dimensions qui sont in fine, des filtres pour lire et interpréter des éléments provenant de la musique de Klaus K. Hübler dont le nom aura servi notamment de matrice formelle. C’est ainsi qu’un tableau de Nicolas Poussin où figure une tombe, s’ouvre, voire se déploie jusqu’à l’intérieur du mythe d’Osiris qui imprègne le tissu, pour ne pas dire en voile d’Isis, la texture compositionnelle pendant qu’une farandole invisible, harmoniquement constituée de 5 notes, comme remontant du moyen-âge et du romantisme, résonne de l’intérieur du corps du piano, en transparence fantôme, avec les membres du trio.
Je tiens à remercier profondément Robert HP Platz pour m’avoir invité à participer au concert en hommage à cet ami commun que fut Klaus K(arl) Hübler.
Franck C. Yeznikian
Niemand auf der Welt, der Noten lesen kann, wird der Intensität der Musik von Klaus K. Hübler – der visuellen als auch der physischen – entgehen können. Dass seine Musik zu den höchst komplexen Werken überhaupt gehört, ist objektiv offensichtlich, kennt man die visuelle und spekulative Dimension, die sie für den Interpreten implizit bedeutet. Aber unter ihren rein visuellen Erscheinungen, wie etwa der Tabulatur, die bisweilen Musikgeschichte wieder verlebendigt, ruft seine Musik auf dem Papier, also vor allem beim Lesen, schöne und enigmatische Rätsel hervor, die es schrecklich wäre, zu vernachlässigen, da sie zwingend zur Aura seiner Musik gehören. Dieser wende ich mich zu aus meiner persönlichen Warte, um mit einer Hommage an den Freund, der 2018 in den Tod schlitterte, ein Zeichen zu setzen.
Als ich Klaus traf, war sein körperlicher wie geistiger Zustand noch sehr ernst: Er suchte nach den meisten seiner Worte, indem er mit einem seiner Finger auf dem Tisch den ersten Buchstaben nachzeichnete, der ihm helfen sollte, das Wort oder den Namen auszusprechen, den ihm ein Teil seines Gehirns noch nicht zurückgeben konnte. Von Jahr zu Jahr konnte ich jedes Mal, wenn ich ihn im Sommer besuchte, miterleben, welch unglaubliche Fortschritte er machte, selbst als er weitere Tragödien seines Lebens durchmachte. Seine Musik: ich habe sie immer als eine Erweiterung seiner Person betrachtet. Ich habe ihn dort gesucht, tue dies weiterhin, und heute mit noch größerer Notwendigkeit und Intensität. Es gibt eine sich selbst spiegelnde Dimension in seiner Musik, aber auf einer Skala, die nichts mit irgendeiner Art von Narzissmus zu tun hat. Eines ist sicher: seine Musik ist reflektierend und tragend, in dem Sinne, dass sie die Last, die seine war, trägt und transzendiert. Das Auffälligste ist, dass seine frühen Werke, wie bei den meisten großen Künstlern, wie im Palimpsest voraussagenden Charakters sind. Parallel dazu und innerhalb einer höchst persönlichen Poetik, die der Poesie weiten Raum konzediert, drängt sich in seiner Musik eine starke dramaturgische Dimension auf. So erklärt sich eine ganz besondere Formalisierung der instrumentalen Einsätze und der Rolle jeder Stimme in einem Diskurs, in dem ein sowohl klangliches als auch sehr oft visuelles Narrativ über ihre formalen Zäsuren hinaus, die seinem Stil inhärent und unverkennbar sind, immer eine rezitativartige Aussage macht. Daher auch, so denke ich, die symptomatische Signatur seiner Ostinati.
Um zu begreifen, was seine Musik uns zu sagen haben und uns aus der Vergangenheit zurückbringen kann, braucht es viel Zeit. Ihre Komplexität auf allen Ebenen der Lektüre geht weit über die Oberflächenreize hinaus, die darin konsumiert werden können. Seine Musik steht für die Gegenpole einer Amnesie. Durch all die Spuren, die sich darin finden lassen, gibt es für mich eine vorherrschend barocke Dimension, die sich im Sinne eines Nachlebens aufdrängt. Daher hier die Rückkehr zum Tombeau, dessen Blüte sozusagen in diese Zeit der Musikgeschichte zurückreicht.
Disjecta Membra für Violoncello, Bassflöte und Klavier erscheint gewissermassen als Echo auf sein Werk, hier aber ganz in meiner Sprache und Recherche. Oft haben er und ich, als wir nur zu zweit waren, fast geschwiegen. Es gab die Sprachbarriere sicherlich auf beiden Seiten, wenn wir miteinander zu sprechen versuchten. Manchmal glich meine Schwierigkeit, ihm gegenüber etwas auszudrücken, das über meine eigene Sprache hinausging, dem Widerstand, auf den er selbst in seiner eigenen Sprache stieß. Wenngleich es viele Rätsel zwischen den Wörtern gibt, so möchten sie sich doch trotz allem austauschen oder zirkulieren, in einer Form des gegenseitigen Verstehens eines schwer Ausdrückbaren. Die Musik hat die Fähigkeit – was zu ihrer Magie gehört – diese Art von Stottern in Befreiung zu verwandeln.
Seine Musik ist in ihrer Kraft und Fremdheit einer der Beweise für diese Dimension, der sie sich verdankt. Es geht darum, zwischen den Zeilen lesen zu können, und gerade in der Musik gibt es immer etwas, das dort mitschwingt. Deshalb ist darin Vieles verborgen. Ich glaube zutiefst, dass es notwendig ist, diese Dimension des Rätsels und des Geheimnisses wie etwas Heiliges zu bewahren. Sie läuft tatsächlich Gefahr, völlig zu verschwinden angesichts der heutigen Musik der Avantgarde, die sich durch den Rückgriff auf das Spektakel liquidiert, das sich als Darstellung einer Marionette aufdrängt, die immer weiter gestikuliert, ohne jede Konsequenz dessen, was eine Seele mit Hilfe eines Pneumas in ein Werk einfließen lassen muss.
Die Poetik dieses Stückes in 5 Abschnitten, die sich aus 15 Unterabschnitten zusammensetzen, studiert auf ihre Art mehrere Dimensionen, die schließlich Filter sind, um Elemente aus der Musik von Klaus K. Hübler zu lesen und zu interpretieren. Hübler, dessen Name insbesondere als formale Matrix gedient haben wird. So öffnet sich ein Gemälde von Nicolas Poussin, das ein Grabmal darstellt, entfaltet sich gar in den Mythos des Osiris, durchdringt das Gewebe, ja den Schleier der Isis und somit die kompositorische Textur, während ein unsichtbarer Kehraus wie aus der Zeit des Mittelalters und der Romantik erstanden, harmonisch aus 5 Tönen zusammengesetzt, aus dem Inneren des Klaviers in gespenstischer Transparenz mit den Mitgliedern des Trios mitschwingt.
Ich möchte Robert HP Platz herzlich danken, dass er mich eingeladen hat, an diesem Konzert teilzunehmen, um unseren gemeinsamen Freund Klaus K(arl) Hübler zu ehren.
Uebersetzung von Robert H.P. Platz