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If whenever




Il y a par-delà cette fable sonore d’une étendue ascensionnellement immersive tissée d’empreintes sonores a priori divergentes dans le temps et l’espace qui les ont vu apparaître, un creuset dans lequel reposerait ici comme une question fondamentale d’ordre métaphysique.

S’y croisent, tel que ce chiasme bi-directionnel (ascension et plongée) des ombres voire des fantômes telle que cette incarnation de John Donne sous une plume comme dans un corps voisé. Mais aussi, telle une invocation, ces deux figures théophoniques de la musique du XXe siècle réapparaissant sous quelques aspects idiomatiques telles qu’en intrication d’un espace, l’autre, une double dimension que j’entends en sondant ce qu’il y a d’alien en nous et autour de nous jusqu’à peut-être une forme d’aliénation salutaire pouvant encore nous gagner contre l’unidimensionnalité autrement plus aliénante qui nous assiège et nous assigne à un cadre d’un vide d’aprofondeur. D’où la question d’un langage infra-sensible vibrant, s’immisçant au-delà du nôtre. Voilà qui pose la question de jusqu’où les sons émis par la nature et les objets ne seraient-ils pas aussi de l’ordre de signaux, d’expressions voire de manifestations à entendre selon cette considération de ce qui s’étrange, là, autour de nous et peut-être en chacun de nous ? A force de fouiller au si loin des confins de notre univers, ne perdons-nous pas, au fur et à mesure, une disponibilité, c’est à dire une écoute de l’invisible de ces signaux dont nous pourrions encore être le destinataire-filtre ?

Ce ruban sonore d’une demi-heure s’inscrit tel un cérémonial sous la figure du double et du dédoublement. Cette étendue coupant l’unité d’une heure en deux parties, ne sert pas la séparation mais au contraire à une réunion dans une trame d’inséparabilité. Aussi, s’incarne-t-il ici plus qu’ailleurs dans mon travail, à partir de la physicalité même de ce que l’art acousmatique offre, une dialectique des morphologies elles-mêmes reliées à des typologies, certes réductrices telles que  modales, tonales et atonales. Pendant 25 ans j’ai travaillé à cette question qui considèrerait que l’art acousmatique ne souffre pas de la gravité historique dont celle de la musique instrumentale endosse la responsabilité. Pour autant, et puisque j’ai senti que l’une de mes fonctions en tant que compositeur était de défendre cette relation à l’histoire selon un positionnement clair, mon regard et mon écoute à travers cette expression du sonore ont été de tenter de relier ces deux hémisphères qui selon ma perception s’opposeraient : tradition orale au sens du geste acousmatique immédiat laissant entendre le résultat et tradition écrite pour la composition instrumentale passant par une intériorisation dont l’éclosion acoustique est on ne peut plus différée dans le temps. Dès lors par-delà les images et leur magie propre, s’articule dans cet opus, un contrepoint où fréquences, hauteurs et sons de toutes sortes, naturels ou non, viennent s’entretisser selon un souci d’ordre à la fois intervallique et harmonique. A ce titre, je peux reconnaître l’empreinte de l’enseignement de Denis Dufour dans le sens où sa manière de composer peut s’inscrire et se percevoir dans une forme de survivance notamment baroque. Disons qu’à partir d’un postulat historique, c’est voilà une façon d’y répondre pour réinjecter à cet art merveilleusement libre de toute pesanteur, a priori, un ancrage selon l’histoire et ses conséquences devant refaire impérativement surface, pour mémoire et dans une inquiétude revendiquée pour préparer ce qu’il y aurait d’avenir, selon la lucidité du temps qu’il nous resterait malgré le fait qu’il puisse exister en parallèle d’autres dimensions hic et nunc.

If Whenever fut motivée et initiée par la demande du philosophe Frédéric Neyrat pour le journal électronique alienocene ( https://atoposophie.wordpress.com/alienocene/ ) dont  les 10 premiers minutes ont été données.

La pièce en son entièreté est dédiée à Olivier Capparos et Denis Dufour.


Franck Yeznikian


 

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